206. La statue du Général Guisan.
Normalement, lorsqu'on fait une statue équestre, c'est pour un héros, ou du moins un grand militaire.
Il est de tradition [EDIT: en fait, il semblerait que ce soit une légende urbaine, voire mes explications en commentaire] que si le cheval a ses deux jambes avant en l'air, c'est que l'homme personnifié par la statue est mort au combat. Une seule jambe, et c'est qu'il est mort suite à ses blessures de combat. Les quatre jambes à terre, et il est mort de causes naturelles.
Bon, on pourrait discourir longtemps sur celui qui meurt de causes naturelles au combat, celui qui meurt de causes non naturelles mais pas au combat, genre broyé par son mixer au milieu de sa cuisine (certes, préparer un repas peut parfois se montrer une vraie guerre contre la montre ou un combat contre le sachet de sucre glace qui ne veut pas se refermer hermétiquement).
On peut aussi se demander ce que voudrait dire un cheval aux quatres jambes en l'air ; sans doute que celui qui le monte est un as de l'aviation ou un adepte de la lévitation*. Celui qui se verrait affubler d'une monture aux seules jambes arrières relevées se verrait pour sa part critiqué pour son manque de style ou d'adresse, ou encore pour avoir choisi un animal par trop fougueux.
Venons-en au fait, qui n'est pas comme on pourrait le penser de rappeler qu'on dit jambe et bouche pour un cheval, et non patte et gueule, car c'est un animal noble ; dommage, je préfère le boeuf, et comme il paraît que l'on est ce que l'on mange, eh bien tant pis pour mon rang. (Note pour plus tard, se demander ouvertement ici pourquoi certains s'étonnent que manger du cheval puisse être mal perçu alors qu'ils trouvent scandaleux ceux qui mangent du chien.)
Le fait, c'est qu'en me promenant - non dans les bois pendant que le loup n'y était pas, mais au bord du lac - en compagnie de David-pas-de-numéro-c'est-pas-un-ex, de mon frère, la fille de ce dernier, la poussette de cette dernière, les patins à roulettes du père de la propriétaire de cette dernière (la poussette, donc ma nièce, donc mon frère, tout le monde suit ?), outre le fait que j'ai réussi à tenir debout tout seul sur ces engins de la mort et aussi à faire pleurer la petite en parlant de maths (ça ne peut pas être un hasard, moi je le dis), j'ai eu l'occasion de recroiser la statue du Général Guisan.
Et ai pu vérifié qu'il était sculpté sur une bête avec une jambe en l'air et qui n'était pas une danseuse de french-cancan :
De là surgissent tout un tas de légitimes questions : Guisan aurait-il eu des blessures de guerre cachées ? Le sculpteur, Dänninger, aurait-il passé outre la règle tacite du nombre de jambes levées ? Je n'en crois rien.
Un seul constat s'impose : le Général Guisan est toujours vivant !
* EDIT : un commentateur de ce billet nous précise que les chevaux volants en plein élan symboliseraient que la personne est morte à cheval, mais pas au combat, et fait une remarque bien à propos sur l'hommage de circonstance destiné à une certaine célébrité (bien que ça ne doit pas être très facile à faire, une chaise roulante en bronze avec les 4 roues en l'air).
J'ajouterai que dans le cas où le cheval lui-même serait mort, sa statue le représente les quatre fers en l'air, accompagné d'un cavalier à pied et à l'air emprunté. Merci Grrrokonar (c'est MONSIEUR Grrrokonar pour toi).
* EDIT 2 : Une nouvelle posture découverte et commentée sur ce billet.