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Ma vie est formidable,
9 février 2006

104. Une journée presque ordinaire

Vendredi dernier, journée marathon pour finir de terminer la préparation du spectacle :

  • passage chez le teinturier (une première pour moi) pour récupérer mes deux cravates préférées que j'avais réussi à tacher mais pas à nettoyer depuis deux ans ;
  • passage au magasin d'alimentation en gros pour voir s'ils ont des algues au rayon poissonnerie : regard étonné et réponse négative, mais je ne pars pas les mains vides, puisque je trouve du poulpe surgelé deux fois moins cher qu'à la Migros ; du coup, j'en prends un trois fois plus gros que prévu d'un bon kilo et demi ;
  • déballage de la valise, des 5 sacs et des habits pris à la main dans la loge ;
  • mise du poulpe à décongeler dans une des douches de la loge, sous un filet d'eau chaude, ça sent déjà pas bon ;
  • départ chercher des cornes de diables pour un pote qui n'a pas eu le temps de le faire, je me fais remplacer pour surveiller le niveau d'eau sur le poulpe ;
  • recherche de la meilleur couleur de la barrette pour les cornes ; quelle est la couleur des cheveux du futur porteur ? Blond, j'en suis sûr, mais pourtant ça ne colle pas vraiment à mon souvenir ;
  • retour et constat de stupidité de ma part : le pote en question a la boule à zéro ;
  • le pote qui surveillait le poulpe l'a retourné mais à percé le plastique ; l'odeur commence à envahir toute la pièce ;
  • décors de scène originaux : une pièce de maison ; le pianiste peut voir les chanteurs sur le devant de scène à travers une fenêtre ;
  • répétition bordélique comme jamais vu les autres années : personne ne sait pour quelles fins de scènes il faut un noir (extinction des lumières) ;
  • des potes répètent un sketch qui présentera la chanson sur le partenariat entre personnes de même sexe, ils ont changé la version de la semaine précédente qui n'avait pas fait beaucoup rire ; la nouvelle version est encore pire. Conseil de dire le texte plus lentement, en insistant sur les jeux de mots pour que le public comprenne bien ; réponse : si je fais une petite pause, l'autre croit que c'est à lui et commence sa réplique ; gros moment de solitude ;
  • découverte que le spectacle commence à 20h00 et non 20h30 comme je l'avais dit à la vingtaine de personnes qui viennent me voir ; début de panique et de recherche de numéros de téléphones ; confirmation par le grand chef : comme les deux heures ont été indiquées, on commencera à 20h30, mais sans retard ;
  • repas à la hâte entre kebab et sushis, le trac me coupe l'appétit, le stress et les allées et venus commencent à me donner des crampes au mollets ;
  • 19h30, je ne suis même pas encore rasé, je file sous la douche pour le faire ;
  • 19h45, passage au maquillage pour ne pas briller sur scène ;
  • j'apprends que celui qui devait incarner un lapin jazzy s'occupe de coordonner les micros et ne pourra donc plus le faire ; le lapin n'ajoutant rien au spectacle et n'ayant aucune raison d'être sur scène, il est convenu qu'on ne peut pas s'en passer, sans quoi il nous manquerait l'élément du specatcle qui ne veut rien dire (une année même, toute une chanson que je chantais était bidon : le sujet était inventé de toute pièce) ; je prends le rôle du lapin au pied à patte levée ; je connais les paroles, mais je me rends compte que je suis incapable de finir par un bam badabam bam bam jazzy.
  • 20h00, dehors dans le froid, mais je meurs de chaud avec un complet mis sur le déguisement de la première chanson ;
  • mes connaissances arrivent tranquillement, sauf un pote et sa copine ; impossible de le joindre par téléphone ;
  • 20h20 départ en coulisses (3 étages plus bas) pour préparer les habits et objets des premières chansons ;
  • retour dehors pour constater l'absence des retardataires ; billets confiés à la caisse avec des recommandations, j'envoie un SMS pour avertir que les billets sont à la caisse ; il est 20h30 ;
  • retour en coulisses, les portes de la salle sont déjà fermées ; grosse course, les crampes envahissent toutes les jambes ;
  • présence sur scène devant le rideau, pour un petit discours du grand chef, je meurs de chaud, ne tiens plus debout et ma gorge est tellement sèche que je ne pourrais presque plus chanter ;
  • passage derrière le rideau, changement de costume à côté de la scène ; heureusement que j'ai préparé le maximum, la chanson d'entrée commence beaucoup trop tôt, alors que je suis à peine prêt ; mais comme je ne pars sur scène qu'après 20 secondes de chanson, je m'accorde encore une rasade d'eau expresse ; je réalise alors que je n'ai pas installé mon micro, je ne rebouche même pas la bouteille, prend le micro, l'accroche tant bien que mal, essaie de l'installer sur la tête mais dans le mauvais sens, réalise que je dois entrer sur scène, coupe directement sans passer par la porte du décor comme convenu, et commence à chanter en installant le micro, chose rendue périlleuse par la grande activité déployée sur scène, sous les rires peu amènes des spectateurs ;
  • heureusement que les paroles ne me font pas défaut, car je suis en train de réfléchir : le micro est-il assez proche ? Si oui, pourquoi ne m'entend-on pas ? Souvenir de l'existence d'une petite touche on/off ;
  • fin de la chanson, mes crampes deviennent quasiment insoutenable après la plus physique des chansons ;
  • préparation pour la chanson suivante, sur la météo ; je n'oublie pas le micro, cette fois je dois en utiliser un qui est sur pied ; noir, je vais sur scène, impossible de trouve l'emplacement exact du micro que je suis censé déplacer au milieu de scène ; la lumière s'allume, je suis de côté, prend le micro et commence à chanter en me déplacant ;
  • passage de vagues en contreplaqué lors de l'évocation du tsunami, je pars en coulisse comme emporté ; je reviens sur scène avec, sur la tête, le poulpe, qui ne peut pas s'empêcher de dégouliner ; le public ne rit pas tout de suite, mais seulement quand je commence à le bouger en montrant qu'il s'agit bien d'un vrai ; au moins ça aura valu la peine ;
  • chanson avec un rôle d'alcoolique, le maquilleur a un peu forcé sur les taches rouges de mes joues, mais ça le fait ; pas de bis, déception ;
  • préparation du rôle du lapin, je n'ai pas beaucoup de temps ; je me mets en slip sous la tenue, dont la tête ferait passer un masque de Scream pour un clown : bref, c'est bien le premier lapin qui devrait faire pleurer les gosses ; difficultés d'accrocher le micro sous la tenue, de respirer, de voir quoi que ce soit par les deux ouvertures mal placées et de chanter sans avaler le micro ;
  • entrée sur scène sans être sûr que ce soit le bon moment, j'improvise quelques pas, chasse le chanteur comme prévu, revient en tentant des sauts de lapin, mais cela a pour conséquence d'entraîner le slip vers le bas, à cause de la lourde partie du micro qui y est accrochée ; je me contente donc de petits pas, et commence à chanter, d'une voix méconnaissable (sans le faire exprès), mais en espérant qu'on ne me reconnaitrait ainsi pas et que le bas de la tenue soit toujours bien là, au risque de me retrouver nu devant plusieurs centaines de personnes (oui, le cauchemar de la nudité mêlée à celui du lapin ridicule, je peux dire maintenant que je l'ai vécu) ; mon coeur bat plus fort que jamais, j'ai de la peine à chanter, et je dois commencer la partie du pam pam badam dans ces conditions : les sons qui sortent de ma bouche ne ressemblent à rien, ou alors peut-être à ceux que proféreraient un chanteur ayant oublié son texte et qui serait devenu fou ; cette version a d'ailleurs été celle retenue par tous ceux qui me connaissaient, tous m'ayant reconnu sans exception, rien qu'à ma voix, aussi bizarre fût-elle ;
  • entr'acte, je me remet en complet, hésite à mettre mes baskets pour apaiser mes crampes, vais voir mes amis ; l'enthousiasme ne vaut pas celui des autres années ; il faut dire qu'on dénombre déjà plusieurs problèmes de micro autres que les miens, dus à la technique cette-fois, qui fait assez mal son travail ;
  • je regarde mon portable et voit un SMS de mon pote absent, datant de 20h45 : désolé, L est malade et moi fatigué, on vient pas bonne soirée ; fallait surtout par avertir plus tôt nom de Dieu ;
  • deuxième partie, chanson à gestes, véritable travail de mémoire et dont le texte n'est pas là pour aider : il change juste un peu à chaque refrain ; nous sommes trois, chantant en alternance ; le micro du 3e ne fonctionne pas et celui-ci ne pense pas à chanter plus fort pour compenser ; toute sa partie tombe à l'eau, pour une fois que personne n'avait eu de trou de mémoire ; la chanson n'est du coup pas bissée alors qu'elle l'aurait sans doute été sinon ;
  • fin du spectacle avec 4 chansons sur le thème de notre maison et des airs d'opéra ; je dois dire des petits textes en vers entre chacune et ma mémoire me fait défaut juste avant chaque entrée sur scène ; heureusement, le temps d'arriver au milieu me permet juste de déstresser et de me rappeler les premiers mots ;
  • pour le final, je suis seul sur scène pour un gros tiers de la chanson, de quoi gonfler l'ego ; je commence à chanter On a chanté, on s'est amusés sur les paroles Bombs are flying, people are dying (les bombes tombent, les gens meurent) de la chanson I'm Super (je vais super bien) chantée par Big Gay Al dans le film South Park ; j'aimais bien le concept de reprendre une chanson de ce film pour la fin, vu que la première était sur l'air d'Uncle Fucker (enculeur d'oncle, chanson très monotone dans la mélodie) du même film ; eh oui, ça s'approche d'une épanadiplose, depuis le temps que je cherchais à en faire une ;
  • mes crampes me font atrocement souffrir, mais sachant la fin proche, je suis heureux sur scène et la chanson se déroule à merveille ; je me mets un peu sur la pointe des pieds pour le bonne soirée (when you're gay=si vous êtes gay, dans le texte original...) qui termine la chanson, et là, surprise, impossible de remettre les pieds à plat avant 5 secondes, tellement les cramps de mes mollets sont fortes ;
  • remerciements par le grand chef durant son discours de fin ; je remarque en coulisses deux potes qui préparent un gâteau d'anniversaire, qui ne peut être que pour moi ; je vais leur dire que s'ils veulent vraiment m'imposer ça, il faut au moins qu'ils me l'envoient en pleine figure ; on me répond que ce ne serait pas bon pour les micros à 500 frs ;
  • je suis sur scène quand le gâteau débarque, je souffle les bougies, et je me mets en tête d'entamer la forêt noire directement, pensant que la perruque de vieux que je porte en sortira indemne, mais en oubliant surtout que mon micro en prendra aussi une bonne part dans l'opération ;
  • la musique reprend pour que nous recommencions la chanson de fin, j'ai encore la bouche pleine, je tente de chanter, je n'y arrive pas et donc j'attends que l'intro arrive de nouveau au bon moment ; je me plante, commence au mauvais moment, ne le remarque même pas d'ailleurs, et les musiciens arrivent à rattraper le coup ;
  • spectacle fini, je me dépêche de me changer avant que mes amis ne partent, renonce cette fois à mettre autre chose que mes baskets, même si leur jaune détonne avec le complet ; mon copain a l'air moins fatigué qu'en début de soirée, c'est un bon point ; mieux : il a fait connaissance avec 2 de mes ex, et ce sans heurts ; il se trouve que les 3 ont fait de l'armée au même moment dans la même compagnie...
  • rangement des affaires, douche, affaires de 3 personnes dans le coffre de la voiture : elle est plus pleine que pour partir 1 mois en Antarctique ; on décide de jeter mon poulpe, alors qu'il n'a servi qu'une fois ; je n'arrive pas à trouver une crasse à faire avec pour le sauver d'une fin certaine dans la plus proche poubelle ; j'écrase une larme : on a été si proche à un moment...
  • arrivée au centre-ville, pour le bal dans un bel hôtel ; on trouve une place juste devant, un vendredi soir ; je n'explique toujours pas ce miracle ;
  • drôle de regards du receptionniste quand il me voit débarquer avec ma forêt noire que je comptais bien partager et qui finira dans les estomacs de mes parents et de leurs amis ;
  • j'essaie de rester assis le plus souvent possible, mais je préfère encore souffrir que rester trop longtemps à la table de mes parents, écoutant les banalités habituelles (J'ai beaucoup aimé l'air d'opéra, moi-même j'en ai fait, C'est quelles chansons que tu as écrites ?, Dommage, ces problèmes de microC'est la combientième fois que tu participes ?...) ;
  • minuit passe, me faisant penser que vont s'arrêter les Alors bon anniversaire ! ; mais ils redoublent de fréquence, au contraire ;
  • les dix meilleures minutes auront été de voir un pote chercher dans tout l'hôtel ses chaussures que j'avais pris grand soin de cacher, accompagné de mes Tu refroidis et de mes J'en vois une d'ici ! ;
  • retour à la maison, ouverture de la valise dont le contenu envahit vite le hall, je me pose devant l'ordinateur, commence à programmer en réfléchissant à ma journée d'anniversaire, le gâteau, le lapin, le poulpe, les centaines de personnes m'écoutant chanter alors que j'ose à peine téléphoner à un inconnu, faire l'alcoolique qui se casse la gueule et discuter avec des amis et ma cheffe, en étant affublé d'un chapeau original.

Et la, je réalise qu'en fait, cette journée ne me paraît pas le moins du monde ne serait-ce qu'un peu étonnante. Tout juste si je peux avouer qu'elle était fatigante, dense et un peu spéciale, mais une journée de travail m'aurait laissé un sentiment identique : celui d'avoir faire plein de choses à droite à gauche, de m'être amusé et d'avoir fait des trucs originaux.

Soit je vieillis et je deviens blasé, soit je vieillis et je me rends plus compte de la réalité, soit je vieillis et c'est ma vie de tous les jours qui est délirante, soit je vieillis et ça n'est plus comme avant, parce que les autres années je me déguisais en femme au moins pour une chanson.
Ce qui est sûr, c'est que je vieillis. Surtout le jour de mon anniversaire.

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