619. Avec ce cadeau, j'aurais au cou qui ?

24 février 2009

619. Avec ce cadeau, j'aurais au cou qui ?

Il faut bien que je vous remercie un peu de votre fidélité. Alors je vous fait un cadeau qui vaut peut être des milliers de francs.

Car si les prix ont des chiffres, il se trouve que les chiffres peuvent avoir un prix (en plus de leur valeur). En effet, quel est le coût d'une enquête sur la répartition des fans Facebook d'une marque de biscuits auprès de plus d'un million de personnes ?

Eh bien, je vous les livre, ces chiffres. Comme ça. Gratuitement.
Vous qui êtes dans le cercle très restreint de mes lecteurs*, vous entrez maintenant dans celui encore moins nombreux de ceux qui ont dans ce monde accès à ces données. (À moins qu'on me pique l'image pour la diffuser, mais j'ai confi-ince en vous.)

Évidemment, le seul problème, c'est que de ces chiffres vous devez vous en foutre comme du string d'Igor Armstrong. Sauf bien sûr si vous bossez pour Nabisco. Au fait, vous savez ce que ça veut dire, Nabisco ? Allez, cherchez, je suis sûr que vous trouverez (voir réponse en note**).

pyramideFans

On constate donc que ce sont les filles et les jeunes qui en sont le plus friands. Et, fait dingue au vu de ce qui précède, en particulier les jeunes filles. Donnez-moi la répartition des gens qui sont mal dans leur peau, et je suis sûr que je vous prouve une corrélation entre mal-être et nourriture.

Chaque fan compte pour un et non pour le nombre de biscuits avalés.

Soit. Le respect de la science*** m'oblige à vous dire que ces chiffres ne sont pas exploitables per se. Et même si d'un autre côté, personne ne m'oblige à avoir du respect pour la science, je vais vous dire quand même pourquoi. Parce que si je n'ai pas de respect pour la science, alors pour qui en aurais-je ?
En effet, il faut d'abord pondérer par les personnes sur Facebook. Par exemple, il y a sans doute beaucoup plus de jeunes qui y sont, d'où une surreprésentation certaine. Et sans doute qu'un jeune aura plus d'aisance à manipuler le site (juste retour des choses) et donc à se déclarer fan d'un produit.
Et pour les filles, il existe peut-être aussi un biais, peut-être une culpabilité inconsciente de se livrer aux excès menant à une culotte de cheval certaine qui serait apaisée par un aveu public de sa soumission aux attraits gustatifs d'un gâteau**** lipogène ? Étudiants en psychosociologie en mal de sujet de mémoire, vous voilà servis.

Ce biscuit est indissociable de la science.

Et puis, il y a aussi la question de la corrélation entre la fanitude (se déclarer être fan) et le fanatisme (être fan), genre moi je me déclare volontiers fan de Couleur3, alors que j'écoute plus la Radiot-romaaaaande la première. Et inversement, je me déclare pas fan des gros seins, alors que j'en aurai bientôt deux si je continue à m'empiffrer. (La corrélation entre fanitude et désir d'achat devrait être en revanche plus évidente.)

*
* *

On est d'accord, j'attends vos remerciements et vous savez que vous pouvez exprimer votre gratitude de mille façons pour ce don de haute valeur.

Ok, ok, bande de malhonnêtes, je sais qu'il ne faut pas confondre coût et valeur. Je n'ai jamais fait d'économie (sauf celles à la banque -- avant 2008, c'était une chose tout à fait rationnelle), alors vous me pardonnerez les erreurs de mon raisonnement et le fait que je ne répondrai pas à mes propres questions sur un sujet qui est sans doute limpide et bien défini pour un étudiant en HEC. (Alexis, si tu me lis toujours, j'attends tes commentaires.)

Non, ce n'est pas pareil. Même d'un point de vue satirico-philosophique, comme le disait déjà Oscar Wilde :

A cynic is a man who knows the price of everything and the value of nothing.

Mais alors, sa valeur ? Sachant que cette enquête de toute façon ne m'a rien coûté, qu'elle aurait été faite en vrai sur moins de gens pour un résultat sans doute plus fiable, qu'elle n'a de valeur que pour qui peut en tirer profit et donc à concurrence de l'accroissement de bénéfice prévisible et que la TVA chez nous s'applique à des taux variés, que je mange des biscuits taxés et comme on est ce qu'on mange je ne suis taxable que si je ne mange pas des enquêtes, sauf si je suis un animal, i.e. pas une chose mais quand même si un peu donc vendable au prix du poids en biscuits ingurgités grace à l'enquête... euh... je dirais oui. Ce qui n'est certes pas un montant, mais du moins une réponse socialement acceptable dans beaucoup de situations.

Biscuit à valeur ajoutée.
(Ou alors c'est juste qu'il est content de vous voir.)

Et là, avec mes biscuits, on n'est que dans le cas d'une marchandise palpable (mais attention, car friable).

Mais je me pose aussi des questions sur la valeur de ma morale et sa valeur vénale (qui porte du coup bien son adjectif). Autrement dit, ma morale, est-elle à vendre, et si oui, pour combien ? Y a-t-il des rabais de gros ? Et pour les étudiants/chômeurs/AVS ?

Serais-je d'accord qu'un inconnu meure pour que je gagne 1 million ? (Réponse : en quelle monnaie ?)
Et si c'était pour m'éviter de vivre en chaise roulante ? (L'homme en question est soit généreux et donc d'accord, soit égoïste et donc ne mérite pas de vivre, non ?)
Serais-je d'accord de payer plus cher l'électricité pour sauver une planète sur laquelle aucun enfant de moi ne vivra ? (Oui)
Serais-je prêt à laisser mourir de faim les présentateurs de TF1 en refusant de payer pour cette chaîne ? (Euh... je peux appeler un ami ? Non, je déconne Jean-Pierre. Tu peux crever.)

Se rajoute donc maintenant celle-ci :

Serais-je d'accord d'envoyer un message facebook de spam à un million de personne pour 10'000 francs ? (Non*****)
Serais-je d'accord d'envoyer un update de spam non intrusif à ces gens pour 100'000 francs ? (Oui, je crois)

Conclusion : oui, ma morale a un prix. C'est donc que j'en ai une, et c'est déjà ce qui me différencie de certains banquiers. En plus, je vous fais un beau cadeau, certes inutile. Je suis donc moral, gentil, et donc un peu bête.

* Connaissant aussi empiriquement la répartition de ~~mon lectorat~~ mes 42 lecteurs réguliers, je suppose qu'être dans leur cercle ne déplaira pas à la grande majorité.

** National Biscuit Company. C'est la compagnie, qui est nationale, hein. Bien qu'on pourrait presque se demander au vu de la popularité.

*** Ne pas confondre avec l'éthique. L'éthique, c'est par exemple ne pas tuer un humain pour la seule gloire de la science. Le respect de la science, c'est par exemple ne pas tuer un humain pour la seule gloire de Dieu.

**** Au sens français, i.e. un biscuit en Suisse, parce qu'un gâteau en Suisse, c'est plutôt une tarte, et une tarte, c'est pour ma gueule, oui, je sais, si je continue encore à faire des notes de bas de billet. Voir les images plus bas.

***** Et je ne dis pas non juste parce que c'est impossible de toute façon.

Tarte aux gâteaux ou gâteau aux biscuits ?