561. La licorne rose invisible et le monstre spaghetti volant
Vous ne rêvez pas, il s'agit bien d'un billet dans la catégorie "anecdotes" qui va vous parler d'une licorne à la fois rose et invisible, et d'un monstre spaghetti volant.
Non, non, ce n'est pas non plus le récit de mon dernier trip au LSD.
Reprenons l'histoire de puis le début.
Acte 1
Un contexte de légère tension avec ma mère ces derniers temps : j'aurais dû la remercier pour un truc (- Oh, pis ça te fera ton cadeau pour tes 30 ans ! - C'est gentil d'y penser enfin...), mais je n'ai pas trouvé le bon moment simultané à une bonne motivation pour le faire. - Désolé, mais avec mes horaires, c'était pas simple de t'appeler. - T'aurais pu quand même envoyer un SMS ; c'est pas compliqué, un SMS.
Gngngn... SMS ou pas, il y a quatre jours, c'était à son tour de commettre l'irréparable : ma mère a clairement dépassé les limites de la loi.
Oui, cette loi familiale qui cache les détails intimes de nos vies et tait les détails inavouables ou difficiles de la famille. Ce n'est de loin pas sa première fois : sa volonté inextinguible de vouloir entretenir des rapports inexpliquablement affectifs et chaleureux avec ses enfant montre bien à quel point elle est en rupture avec le reste de la famille et ne mérite donc pas une place au sein d'elle.
Et si, d'habitude, il suffit de botter en touche dès que ses propos dérivent vers des sujets personnels, elle a réussi, là, à me faire lui quasi raccrocher au nez : elle a réussi à asséner d'un coup le remémoration de faits désagréables ; elle a réussi en une phrase de quelques mots à faire ressurgir des frustrations oubliées, tout en avouant sans honte ses méfaits passés pour lesquels j'aurais moi-même mis maintes fois le feu à son bûcher si seulement nous vivions encore à cette époque bénie où l'on savait reconnaître et punir en toute justice les incarnations de Satan.
Certes, ce n'est pas vraiment ce qui nous intéresse dans la question des licornes roses, mais ça fait toujours du bien de le dire. Enfin, de l'écrire. Il y a des choses dont on ne parle pas. (Qui a dit table de chevet ?)
Acte 2
Ca n'a rien à voir non plus, mais c'est dans la lignée.
Choupi : - Ah, j'ai une mauvaise nouvelle.
- ?
- Ma mère voudrait rencontrer tes parents...
- Ha ha ! Non, mais tu lui as expliqué un peu ? Elle sait qu'il vaut mieux pas ?
- Elle veut juste voir à quoi ils ressemblent...
- Rappelle-moi de te donner une photo pour elle. Si c'est pour s'étonner de nos rapports familiaux distants et aller mettre dans la tête de ma mère encore des mauvaises idées sur ce que devrait être une relation mère-fils, hein...
Acte 3
Semaine dernière, je n'ai pas eu l'occasion de croiser ma cheffe. Et donc de l'avertir qu'à cause de la protection civile, j'allais être absent deux jours avant les dates prévues de mes vacances. (Et qu'alors, il ne restait que 3 jours pour terminer plein de choses.)
Lundi, on s'est croisés, mais j'avais plein d'autres choses à lui communiquer.
Mardi, j'ai oublié.
Mercredi, déjà la veille de mon absence, ce qui est plutôt gênant.
Bref, depuis mardi soir, je cherchais la stratégie la meilleure pour faire passer la pilule de mon absence.
Une excuse de médecin ? Ca ne tient pas deux jours entier. Une maladie soudaine ? J'aime pas mentir là-dessus. Un mail où je le lui aurais dit, sans qu'elle l'ait jamais reçu ? Pas crédible. J'aurais cru lui avoir envoyé ce mail, mais finalement pas ? Mouais. La vérité ? Pourquoi pas, si seulement c'était la première fois que j'oubliais de lui signaler mon absence... Un mélange de tout ça ? Ce n'est jamais une bonne stratégie.
Acte 4
Il y a un constat terrible à faire, c'est que la moitié des choses urgentes et des problèmes à résoudre s'évanouissent si on ne s'en occupe pas. Délai de toute façon dépassé, autre personne qui s'en est chargé, problème résolu tout seul, problème qui était en fait différent de celui attendu, besoin surévalué, etc.
Il y aussi une histoire avec un prisonnier, un roi, et un cheval. On pourrait croire qu'il s'agit d'une énigme logique, mais je ne m'appelle pas Reymond Smullyan (que je vous recommande, au passage). Non, l'histoire va ainsi :
Un condamné à mort demande audience au roi.
- Sire, ne me tuez pas. Laissez-moi la vie sauve, et j'apprends à votre cheval à chanter.
Le roi le prend pour un fou mais aime bien l'originalité, alors il lui accorde un sursis d'an un. Si un an plus tard le cheval ne chante pas, le condamné sera exécuté.
Plus tard, le geôlier demande au prisonnier :
- Mais tu es dingue ! Comment comptes-tu apprendre à chanter à un cheval ?
- Ce n'est pas la question. D'ici un an, qui peut dire combien de choses seront arrivées ? Vais-je être exécuté ? Peut-être. Mais peut-être que je vais de toute façon mourir avant. Peut-être que c'est le roi qui mourra avant... Et peut-être même que le cheval aura appris à chanter.
Acte 5
Dans la droite ligne des problèmes qui se résolvent tout seuls, j'ai souvent eu du bol dans des situations inextricables.
Ainsi, hier soir, j'espérais que ma cheffe serait absente au moins un des deux jours, afin que je n'aie à expliquer mon absence que pour la moitié du temps. Mais comment faire face à ses horaires imprévisibles ? Cette fois, ni le Dieu des ivrognes, ni celui des oublieux ne pouvait me sortir de là. Au mieux, j'allais devoir affronter la pythie en cheffe, détentrice de l'agenda de la cheffe, avec pour seule arme l'espoir d'avoir des indices sur un emploi du temps qui me serait peut-être un peu favorable.
C'est perdu dans ses pensées aujourd'hui qu'une engeance démoniaque -- d'habitude confinée à des étages éloignés -- frappe à la porte du bureau.
- Entrez !
- Bonjour ! Je passais, et je venais voir comment ça allait !
- Recule, succube ! Enlève ton masque et révèle ton vrai visage d'esprit sadique aux mains de la conspiration des affreux qui veulent la mort des honnêtes travailleurs ! ... Enfin, je veux dire, bonjour, c'est gentil de passer, Madame-la-secrétaire-si-gentille-et-si-*heuf*-efficace. Comment allez-vous ?
- Ca va. Je n'ai pas l'habitude de venir par ici, et je ne voulais pas vous déranger... Mais comme je passais...
[... baratin de 20 minutes aux mots égrénés à la vitesse d'une tortue grabataire pour redire 3 x ce qui a déjà été discuté par e-mail dans la matinée ...]
... enfin, c'est bien que vous ayez averti la cheffe que ce problème était résolu, je suis désolée de lui en avoir parlé.
- Non, non, vous avez [pour une fois] très bien fait ! Même si c'était déjà résolu, ce n'est pas grave qu'elle soit au courant de ce qui se passe et de ce que je fais, au contraire !
- Mais... oui... Euh... Vous savez au fait qu'elle est absente depuis aujourd'hui jusqu'à la semaine prochaine ?
Acte 6
Non seulement mon voeu se réalise, mais en plus je me le fais annoncer par l'envoyé du Malin en personne.
Qu'ai-je donc signé de mon sang ce matin ? Je n'ai pas accepté de licence Microsoft, pourtant.
J'ai bien échangé trois mots au lieu de deux à mon coiffeur, parce qu'il était malade, mais il est déjà coiffeur et hétéro, je ne le vois pas en plus élément dans mon histoire mystique.
Je ne me rappelle pas non plus avoir égorgé un mouton. Si ce n'est donc les suites d'une propitiation de mon côté, il se pourrait bien que ce soit finalement une instance supérieure qui cherche à attirer mes bonnes grâces. Mais lequel ?
Acte 7
Dans le doute, je décide de faire de suite une bonne action. Histoire de rétablir un équilibre dans le monde, ou de ne pas foutre en l'air mon karma ? Je ne sais pas.
Tiens ! rappeler ma mère qui essaie de me joindre depuis 4 jours, et dont je n'ai même pas écouté les messages sur mon répondeur : voilà qui est bien à la hauteur du prix de ma redevabilité.
Je m'approche du téléphone, qui se met à sonner.
- [mode sauvetage du karma] Tu me croiras pas, mais j'allais t'appeler.
- [défiante] Pourquoi tu l'as pas fait avant ?
- [froid] Par-ce que j'é-tais oc-cu-pé.
- Mais tu peux bien répondre !
- [mauvaise foi] Ben non, pas toujours. Si je donne un cours ou que je suis en réunion, je ne peux pas répondre... [coup bas] Et puis d'abord, "t'aurais pu m'envoyer un SMS ; c'est pas compliqué, un SMS."
- [mauvaise foi concentrée] Ah, euh... mais je t'en ai envoyé un, il n'a pas dû passer.
Le pire, c'est que je suis incapable de me souvenir de la raison pour laquelle m'a mère m'a harcelé pendant 4 jours, jusqu'à appeler à mon numéro professionnel. Enfin, pour tout dire, je m'en moque encore plus que vous, si ça se trouve...
Acte 8
Reste à savoir quelle est l'instance supérieure qui m'a fait une fleur, et si oui ou non elle tente d'arracher mes faveurs.
Petit tour d'horizon, dans le panthéon, des candidats retenus :
- Le Dieu chrétien, en remerciement de mon ouverture
Vendredi dernier, j'ai pu entendre une conférence intéressante.
J'ai bien aimé les arguments avancés sur la présence divine, bien que prétendre vouloir prouver l'existence de l'âme par des moyens scientifiques est plus que ridicule : qu'il y ait un temps certain entre le moment où un être humain décide d'arrêter ce qui allait faire et le moment ou l'activité neuronale correspondante cesse ne me paraît pas une évidence qu'il y ait dissociation entre conscience et cerveau, mais d'une simple conséquence de la complexité de ce dernier.
Je me suis retenu aussi de dire que toutes les conclusions sur la spiritualité tenaient encore la route en reprenant la même chose et en enlevant le concept de Dieu.
En revanche, j'ai changé d'avis sur une idée : je pensais qu'il fallait éradiquer la religion, source de plus de conflits qu'autre chose et incohérente avec une société moderne. Finalement, je pense qu'il est plus simple de faire vivre en société la majorité des gens en y ajoutant un brin de religion qu'en essayant de leur faire comprendre le bien-fondé des choses.
- Le Dieu musulman, parce qu'il veut me convertir en bombe humaine
Le coup des vierges, désolé, mais ça ne va pas suffire. Et puis, je m'amuse assez ici pour l'instant.
- Satan, parce que j'ai le bon profil pour prendre la relève
Ca m'étonnerait que Satan donne avant de recevoir. Mais d'un côté, il doit être plus fourbe qu'un barbu. (Oui, les barbus sont fourbes. Cependant, les plus fourbes sont quand même les barbus qui se rasent.)
Ce qui ne nous laisse que deux candidats plus crédibles :
La licorne rose invisible
La Licorne rose invisible a du charme, il faut le reconnaître. Pour elle, je suis prêt à aller au bout de l'univers (mais pas plus loin). Je n'en rajoute pas, tout est dit sur la page wikipedia correspondante. Mais porter du rose et pouvoir faire en sorte que ça ne se voie pas, franchement, j'adhère.
Le Pastafarisme et le monstre spaghetti volant
L'histoire du pastafarisme est politique. C'est moins joli qu'une histoire de licorne rose, mais c'est plus nawak. Et puis ça permet de dire que le réchauffement climatique est dû à la disparition des pirates.
Finalement, peut-être était-ce déjà un signe de ma dévotion lorsque j'avais choisi pour mon personnage un pastamancer, dans Kingdom of Loathing, ce jeu online dont j'avais déjà parlé.
Autre bonne raison de choisir le monstre spaghetti volant : il est quand même bien positionné pour expliquer pourquoi j'ai le cul bordé de nouilles.
Rappelons ici que tout Dieu est presque sûrement* inexistant. Mais en attendant d'avoir un signe divin plus précis pour choisir mon Dieu, je vais rester partisan du constructivisme, et continuer à m'attaquer aux familles non dénombrables qui croient à ce faux Dieu qu'est l'axiome du choix sous prétexte qu'il permet la multiplication des pains. Pourquoi pas un Dieu d'amour, pendant qu'on y est ?
* Presque sûrement : la probabilité vaut 1. Pourquoi est-ce alors seulement presque sûrement ? Parce que ça peut quand même ne pas arriver...
Exemple simplifié : choisir un point au hasard sur une droite, donc sur une infinité de points. Chaque point a une probabilité zéro d'être l'élu (donc une chance de 1 de ne pas l'être) ; pourtant, il en existe bien un qui a été choisi, malgré sa probabilité 0.
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