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Ma vie est formidable,
30 octobre 2007

503. Quand Dieu créa le Pays de Vaud

Un joli passage de Ramuz, ressorti plein de fois à l'occasion de l'inscription de Lavaux au Patrimoine mondial de l'UNESCO, mais que vous avez peut-être malgré tout manqué.

C’est tout habitué à l’obéissance par ici, depuis le temps que c’est en vignes. Et le bon Dieu lui-même a décidé que ce serait en vignes, ayant orienté le mont comme il convient, se disant : « Je vais faire une belle pente tout exprès, dans l’exposition qu’il faut, avec l’inclinaison qu’il faut, et je vais mettre encore dans le bas la nappe de l’eau pour qu’il y ait ainsi deux soleils sur elle, que le soleil qui vient ailleurs d’en haut seulement vienne ici d’en haut et d’en bas… »

Il y un petit bout de plus sur le site de l'Office Fédéral de la Culture (dans le sens littéraire et non pas agricole...).

*

Cette création d'une partie du Pays de Vaud n'est évidemment pas sans me rappeler celle chantée par Gilles, dans sa chanson Les Vaudois :

Ayant peint les océans, l'Himalaya, l'Amazone,
Fatigué d'avoir vu grand, Dieu créa le bleu Léman,
Par-dessus la Dent-de-Jaman, des coteaux charmants où l'oiseau fredonne,
Et d'un trait un peu nonchalant - quel joli talent - la Venoge* évidemment.
Il ajouta des forêts, des champs de blé, des prairies
Et surtout, trait de génie, de la vign' pour le clairet**.

Quand tout fut au point, bien que mort de fatigue,
Il décida, prodigue, d'aller encor' plus loin.
C'est ainsi ma foi que la tête un peu lourde
Et les mains un peu gourdes, Dieu créa les Vaudois.

Quand on se voit franchement, nous Vaudois de vieille souche,
De race, de tempérament, on se demande comment
Le bon Dieu, qui ne passe rien, laissa dans ses mains passer sans retouches
Ce mélange d'épicurien, de Mérovingien, de bien-pensant, de Latin !
Eh bien ! c'est simple ! Au moment de donner l'effort suprême,
Dieu dans sa fatigue extrême avait perdu son élan***.

Il prit à tâtons dans son armoire immense
Des gènes, des essences, l'argile et le plancton,
En brassant le tout il obtint, sans paroles,
Cette pâte un peu molle mais qui avait du goût !

Hélas ! un peu somnolant, il oublia les épices,
Poivre et autres condiments, - d'où notre côté gnangnan.
Mais par contre, fort heureus'ment, il mit du sel fin, d'où notre malice,
De la graine de fleurs des champs, bleue évidemment, d'où nos jolis sentiments;
De la graine de souci et des herbes de Provence,
De là notre nonchalance, et notre inquiétude aussi !

Quand un Vaudois dit : "Agissons, l'heure est grave !"
On lui répond : "Gustave, finissons ce demi !
On a bien le temps ; c'est du pareil au même.
On arriv'ra quand même ensemble au Nouvel-An !"

Dans ce pays enchanteur mais réduit par ses montagnes,
Parmi les vergers en fleurs, a-t-on besoin de grandeur ?
Nous avons Eugène Burnand, qui sut joliment peindre nos campagnes,
Et Doret qui sut par ses chants charmer nos instants, ça nous suffit largement !
Y faut pas trop d'émotions. Un Ramuz nous indispose
Et même un Jacques-Dalcroze, ils ont trop d'inspiration !

On est ce qu'on est, quand on a trait sa vache,
N'ayant pas de panache on se taille un plumet.
Ouvrant l'aile au vent et l'ouvrant tout entière,
Quand on a bu son verre on s'élance en avant !

Car notre joli vin blanc sait dénouer nos complexes.
Chacun s'affirme en gueulant contre le gouvernement.
Au moment où on est fin prêts... la servant' rit. Hommage au beau sexe,
On lui pince un peu les mollets. - Tiens voilà Chollet ! Rapportez-en trois, bien frais !
On est bien. On est chez nous. Indulgence. Tolérence.
On voudrait sauver la France ! La bouteille fait glou-glou.

On est comme on est. Les amis, la verdure,
La fondue, la friture, le dimanche au chalet.
On est pour la paix, car on a des principes.
On est des tout bons types. Canton de Vaud, respect !


* La Venoge, fleuve vaudois, elle-même mise en poème par Gilles.
** Clairet : vin léger et peu coloré
*** Désolé, j'ai pas pu m'empêcher.

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