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Ma vie est formidable,
21 août 2006

321. Je suis guéri

Avertissement : ce billet est long et inintéressant. Quoiqu'on puisse y apprendre que j'ai une boîte à outils, mais maintenant que vous le savez, le seul intérêt qui y était n'est plus.

Il faut que je vous cause du déménagement au boulot. Mais y a des photos à mettre, alors ça prend du temps, et dans le genre billets avec photos, c'est pas les trucs en retard qui manquent.

Mais ce qu'il faut déjà savoir, c'est que ce changement entraîne une plus grande proximité avec un grand nombre de gens que je ne côtoyais que lors de rares apéro auxquels j'allais (parce que des apéros, sinon, c'est jamais ça qui manque) ; et aussi une plus grande dépendance vis-à-vis de la grande équipe informatique du site.

Afin de m'assurer un bon ancrage dans ce nouveau milieu et par là même l'occasion de profiter de compagnie, d'une aide concrète et de certains passe-droit  - dont celui d'avoir droit à une imprimante correctement et promptement configurée n'est pas des moindre -, je me suis vu dans l'obligation de socialiser. Oui, vous avez bien lu : l'obligation de socialiser.

Pour ceux qui me connaissent, ils s'étonneront que ce soit une obligation : je passe pour mes amis pour quelqu'un de plutôt joice (oui, on peut écrire comme ça jouasse). Jovial, si vous préférez, mais ça fait déjà plus hamster et moi je suis plutôt furet. Alors que ceux qui ne me connaissent pas trop  n'imagineraient même pas que je puisse me forcer à dire quelques mots autres qu'un bonjour marmonné et agrémenté d'une rougeur du visage signe d'un réel embarras devant la difficulté de la tâche.

Me voilà donc à créer les occasion d'engager le dialogue avec toute personne du service informatique, et à proposer de tutoyer les plus jeunes - moi qui refuse encore de tutoyer une des jeunes secrétaires parce que je la trouve bizarre et que ça m'ennuie (mais le monde est injuste). Eh bien j'étais le premier étonné de constater que je n'avais même pas tellement de difficultés à le faire ; poser des questions sur leurs activités afin de briser la glace m'est apparu aussi simple que de résoudre un sudoku niveau 1 et je n'avais même pas besoin de faire un effort pour me remémorer les conseils de mes livres de manipulation (titrés de façon trompeuse comment se faire des amis, comment réussir un entretien d'embauche ou comment faire avouer un islamiste sans trop le torturer).
Impossible de me le cacher plus longtemps : après des années à tenter de surmonter tant bien que mal une timidité excessive, me voilà guéri et prêt à vivre dans ce monde comme dans un jeu vidéo : en essayant tout ce qui est possible dans le respect des règles élémentaires de la civilité, et sans me préoccuper des conséquences, comme si je pouvais recommencer à jouer le niveau quand bon me semblait.

Dieu qu'il est agréable de parler avec quelqu'un de la même manière que l'on tenterait une expérience sur un rat, de tester les réponses et décrypter les différentes attitudes, de laisser penser une chose et d'enchaîner sur une allusion gratuite dont on est le seul à pouvoir saisir toute l'ironie ! Et comme il est simple de faire la discussion en faisant montre d'un peu d'interêt envers les gens et leurs activités ! J'y prendrais même presque du plaisir à mieux connaître les gens qui m'entourent.

Effet direct de cette gentillesse déployée ou suite logique de ma vie qui ne cesse de m'étonner dans ses rebondissements les plus inattendus, j'étais dans mon bureau à attendre que les derniers travailleurs s'en aillent rejoindre leurs pénates lorsqu'est passé le stagiaire.
Rencontré quelques jours plus tôt, je l'avais déjà dépanné avec ma boîte à outils et en avait été remercié par une aide efficace pour réussir à me connecter aux ressources informatiques auxquelles j'avais droit. Sa détermination à faire du bon travail laissait à penser qu'il s'agissait d'un habitué doté de plusieurs années d'expérience, mais son attitude déférente envers tout le monde et sa peine à cesser de me donner du Monsieur à mon invite de nous tutoyer faisait finalement transparaître ses 19 ans, en plus évidemment de sa bonne éducation et de son enthousiasme débordant.

Le stagiaire passait donc devant ma porte, lieu de congruence car sur le passage menant à la sortie provisoire (le bâtiment n'est pas encore complétement fini) et, me voyant, s'arrête et me propose de partager sa pizza. Après l'investigation requise par un minimum de politesse, je constate que la proposition ne concerne même pas un surplus qui finirait aux ordures, mais bien d'un élan gratuit vers un partage sans arrière-pensées. De là, la conversation s'enchaîne, et sans même dire grand chose, voilà notre discussion qui s'en va sur les sujets les plus divers, passant allégrement du choix d'une bonne distribution Linux à l'avenir professionnel, des besoin d'un logement idoine aux affres de la vie en solitaire, des soin à apporter aux plantes vertes aux couleurs, à leur signification et à leur utilité, du budget pour faire du sport à la sophrologie pour combattre les douleurs, de l'ésoterisme aux religions orientales. Bref, il semblait qu'il n'y ait pas eu que la pizza qu'il avait envie de partager, et si j'ai eu l'heur de pouvoir en reprendre une seconde tranche, la conversation, elle, dut s'arrêter, car le temps filait.

Son départ ne me laissait évidemment pas qu'un carton huileux, mais aussi des questions à en pleuvoir : comment pouvait-on arriver à une telle conversation avec une personne croisée à peine quelque fois ? S'agissait-il d'un charisme nouvellement acquis en même temps que ce nouvel après-rasage ? D'une attitude invitant à la confiance et à la confidence qui irradiait de ma coupe de cheveux toute récente ? Était-ce simplement ma gentillesse envers lui qui avait fait naître des espoirs de compréhension mutuelle dans ce monde professionnel implacable au-delà de tout ce que peuvent dire les mots ? Peut-être qu'il est simplement monnaie courante que les gens s'arrêtent pour vous offrir leur pizza et leurs plus intimes confidences, et que je n'avais rien remarqué parce que j'étais trop occupé à faire des nurikabes ? Peut-être était-ce moi qui commençait à vivre ce monde comme il peut l'être, c'est-à-dire quand même un peu bizarre ? Faut-il favoriser l'éducation quitte à sacrifier l'économie dans une société à mixité réduite ? Peut-on faire du chocolat blanc avec du cacao rouge comme on fait du vin blanc avec du raisin rouge ? Serait-il plus simple de compter du sable en pourcents ou de construire une pagode avec un baromètre ?

L'hypothèse la plus flagrante m'est apparue claire comme les explications à la fin de Usual Suspects [en] (attention, spoiler). En effet, durant toute ce temps, il pouvait à loisir regarder mon armoire... Oui, à sa place, moi j'aurais fait pareil.

Je l'ai mis dans mes contacts MSN afin de résoudre l'énigme : peut-être voulait-il simplement se faire un ami ?
Si ce devait être le cas, je vous invite à vous joindre à moi pour lui souhaiter en coeur bonne chance. Car quand on me connaît, on peut en avoir besoin pour garder sa santé mentale.
Tiens, à ce propos, je vous ai déjà parlé de ma collection de dictionnaires médicaux ?

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